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légère, et qui s’appuyait sur une vraie canne à bec de corbin. Elle s’évanouit — c’est-à-dire que Mrs Edith la perdit de vue au détour du sentier. Et une troisième petite vieille appuyée sur deux cannes à bec de corbin surgit encore du mystérieux jardin ; elle s’échappa du tronc d’un eucalyptus géant ; et elle allait d’autant plus vite qu’elle avait, pour courir, quatre pattes, tant de pattes qu’il était tout à fait étonnant qu’elle ne s’y embrouillât point. Mrs Edith avançait toujours. Et ainsi elle parvint jusqu’au perron de marbre habillé de roses de la villa ; mais, la gardant, les trois petites vieilles étaient alignées sur la plus haute marche, comme trois corneilles sur une branche, et elles ouvrirent leurs becs menaçants d’où s’échappèrent des croassements de guerre. Ce fut au tour de Mrs Edith de s’enfuir.

Mrs Edith avait raconté son aventure d’une façon si délicieuse et avec tant de charme emprunté à une littérature falote et enfantine que j’en fus tout bouleversé et que je compris combien certaines femmes qui n’ont rien de naturel peuvent l’emporter dans le cœur d’un homme sur d’autres qui n’ont pour elles que la nature.

Le prince ne parut nullement embarrassé de cette petite histoire. Il dit, sans sourire :

— Ce sont mes trois fées. Elles ne m’ont