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gente dont on n’eût point cru capable un jeune homme qui avait eu jusqu’alors pour principale occupation la chasse et les livres. On le disait sobre, avare et poète. Il avait hérité de son père, à la cour, une haute situation. Il était chambellan de Sa Majesté et l’on supposait que l’empereur, à cause des immenses services rendus par le père, avait pris le fils en particulière affection. Avec cela il était délicat comme une femme à la fois et fort comme un Turc. Bref, ce gentilhomme russe avait tout pour lui. Sans le connaître, il m’était déjà antipathique. Quant à ses relations avec les Rance, elles étaient d’excellent voisinage. Ayant acheté depuis deux ans la propriété magnifique que ses jardins suspendus, ses terrasses fleuries, ses balcons embaumés avaient fait surnommer, à Garavan, « les jardins de Babylone », il avait eu l’occasion de rendre quelques services à Mrs Edith lorsque celle-ci avait achevé de transformer la baille du château en un jardin exotique. Il lui avait fait cadeau de certaines plantes qui avaient fait revivre dans quelques coins du fort d’Hercule une végétation à peu près retenue jusqu’alors aux rives du Tigre et de l’Euphrate. Mr Rance avait invité quelquefois le prince à dîner, à la suite de quoi le prince avait envoyé, en guise de fleurs, un palmier de Ninive ou un cactus dit