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voir deux ombres qui se hâtent… Elles disparaissent… Je cours… J’arrive au milieu des ruines… Je m’arrête… Qui me dit que les deux ombres ne me guettent point derrière un mur ?…

Ce vieux Castillon n’était plus habité et pour cause. Il avait été entièrement ruiné, détruit, par le tremblement de terre de 1887. Il ne restait plus, çà et là, que quelques pans de murailles achevant tout doucement de s’écrouler, quelques masures décapitées et noircies par l’incendie, quelques piliers isolés qui étaient restés debout, épargnés par la catastrophe et qui se penchaient mélancoliquement vers le sol, tristes de n’avoir plus rien à soutenir. Quel silence autour de moi ! Avec mille précautions, j’ai parcouru ces ruines, considérant avec effroi la profondeur des crevasses que, près de là, la secousse de 1887 avait ouvertes dans le roc. L’une particulièrement paraissait un puits sans fond et, comme j’étais penché au-dessus d’elle, me retenant au tronc noirci d’un olivier, je fus presque bousculé par un coup d’aile. J’en sentis le vent sur ma figure et je reculai en poussant un cri. Un aigle venait de sortir, rapide comme une flèche, de cet abîme. Il monta droit au soleil, et puis je le vis redescendre vers moi et décrire des cercles menaçants au-dessus de ma tête, poussant des clameurs sauvages comme