Page:Leroux - Le Parfum de la dame en noir.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette vieille guimbarde poussiéreuse ? J’interrogeai un employé qui me dit que cette voiture était la diligence de Sospel.

Sospel est une petite ville pittoresque perdue entre les derniers contreforts des Alpes, à deux heures et demie de Menton, en voiture. Aucun chemin de fer n’y passe. C’est l’un des coins les plus retirés, les plus inconnus de la France et les plus redoutés des fonctionnaires et… des chasseurs alpins qui y tiennent garnison. Seulement, le chemin qui y mène est l’un des plus beaux qui soient, car il faut, pour découvrir Sospel, contourner je ne sais combien de montagnes, longer de hauts précipices, et suivre, jusqu’à Castillon, l’étroite et profonde vallée du Careï, tantôt sauvage comme un paysage de Judée, tantôt verte ou fleurie, féconde, douce au regard avec le frémissement argenté de ses innombrables plants d’oliviers qui descendent du ciel jusqu’au lit clair du torrent par un escalier de géants. J’étais allé à Sospel quelques années auparavant, avec une bande de touristes anglais, dans un immense char traîné par huit chevaux, et j’avais gardé de ce voyage une sensation de vertige que je retrouvai tout entière dès que le nom fut prononcé. Qu’est-ce que Brignolles allait faire à Sospel ? Il fallait le savoir. La diligence s’était remplie et déjà elle se mettait en route dans