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la folie, et il lui avait juré qu’elle ne lui avait jamais été plus précieuse que depuis qu’il savait ce qu’elle avait souffert. Et elle s’en était allée un peu consolée. Mais lui, resté seul, se releva un autre homme… un homme seul, tout seul… l’homme seul ! Le professeur Stangerson avait perdu sa fille et ses dieux !

Il l’avait vue avec indifférence se marier à Robert Darzac, qui avait été, cependant, son élève le plus cher. En vain Mathilde s’efforçait-elle de réchauffer son père d’une tendresse plus ardente. Elle sentait bien qu’il ne lui appartenait plus, que son regard se détournait d’elle, que ses yeux vagues fixaient dans le passé une image qui n’était plus la sienne, mais qui l’avait été, hélas ! et que, s’ils revenaient à elle, à elle Mme Darzac, c’était pour apercevoir à ses côtés, non point la figure respectée d’un honnête homme, mais la silhouette éternellement vivante, éternellement infâme, de l’autre ! de celui qui avait été le premier mari, de celui qui lui avait volé sa fille !… Il ne travaillait plus !… Le grand secret de la Dissociation de la matière qu’il s’était promis d’apporter aux hommes retournerait au néant d’où, un instant, il l’avait tiré, et les hommes iraient, répétant pendant des siècles encore, la parole imbécile : Ex nihilo nihil !