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quelque chose de surhumain… une pâleur… un brouillard, une petite nuée tournoyante qui, bientôt s’immobilisa et me laissa voir des yeux, des yeux d’une beauté terrible… toute une autre figure, resplendissante bientôt à côté de ma face de damné… une bouche… une bouche qui me dit : Ouvre !… oui… elle m’a dit : Ouvre !… Alors j’ai reculé… mais la bouche disait encore : Ouvre ! ouvre si tu l’oses !… et comme je n’osais pas, on a frappé trois coups dans la porte de l’armoire… et la porte de l’armoire s’est ouverte toute seule… toute seule…

À ce moment, le récit du vieillard fut interrompu par trois coups frappés à la porte du manoir. Oui, dans l’instant même où le gentilhomme se dressait, les bras grands ouverts, devant la vision, surgie du fond de son vivant souvenir et de son atroce angoisse, de l’armoire qui s’ouvrait toute seule, trois coups retentirent si fortement à la porte de la salle et si douloureusement en nous qu’on eût dit qu’on les avait frappés sur nos cœurs et nous sursautâmes sur nos escabeaux. Quant à notre hôte, il regarda la porte, ne dit plus un mot et s’appuya à la muraille, pour ne pas tomber. Alors, devant nous, la porte de la salle qui donnait sur le plateau désert, s’ouvrit lentement toute seule.