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la cravate, tout cela avait un grand air d’autrefois dont je n’aurais pu dire l’âge. Notre hôte avait les manières les plus nobles, c’est-à-dire les plus simples. Il me pria de prendre place au foyer.

Et nous voici partis à parler chasse. Makoko, malgré sa gêne visible, ne résiste pas à nous conter quelques exploits. L’hôte, aimablement, l’approuve. Quant à moi, je ne puis détacher mes regards de ce visage pensif, surgissant tour à tour dans l’ombre et dans la flamme, si douloureux à voir dans sa singulière expression double d’énergie et de tristesse. Cette face, si étrangement tourmentée, même dans son calme actuel, semble nous raconter, ride par ride, tous les bouillonnements de la jeunesse, comme un volcan raconte au voyageur, de toute la profondeur de ses crevasses, les prodigieux soulèvements de son cœur éteint.

À côté de son maître, regardant de ses yeux mi-clos le braisillement de la bûche, « Mystère », le museau sur les pattes, est étendu. Un moment, il ouvre une large gueule et bâille, comme il a aboyé, en silence.

Et je demande :

— Il y a longtemps que votre chien est muet ? Quel singulier accident lui est-il donc arrivé ?