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COMMENT ROULETABILLE ÉTAIT MORT

Aussitôt, une flamme jaillit de la poterne et courut sous le pont pendant que la poterne s’ouvrait, et les deux jeunes gens, après s’être d’abord jetés à plat ventre, se ruaient en un bond prodigieux : derrière eux, l’explosion se produisait et allait faire sauter Stefo le Dalmate et trois ou quatre soldats qui furent, plus ou moins, réduits en bouillie. Le pont sauta en partie et se souleva du côté de la poterne, protégeant en même temps ceux qu’il avait de lui-même rejetés vers la salle des gardes et formant bouclier contre les projectiles de l’explosion et contre les balles des soldats qui, dans ce chaos inattendu, ne savaient que décharger leurs fusils contre le donjon.

Nos amis étaient sains et saufs et c’était miracle. Il en est de la dynamite comme de la foudre qui frappe ceux-ci et respecte ceux-là, sans qu’il y ait d’autre explication à cette incohérence que la veine des uns et la malchance des autres.

Aussitôt le chapelain et M. Priski, qui étaient indemnes eux aussi, arrêtèrent les représailles. Et comme ils craignaient par-dessus tout de troubler l’exceptionnelle nuit de leur maître par le récit d’une aussi sombre aventure, ils résolurent de la lui cacher jusqu’au matin et de lui envoyer aussitôt un officier pour lui dire que ses ordres avaient été exécutés. Ils pensaient bien qu’au matin, ils en auraient fini avec ces enragés… Voilà comment Rouletabille était mort, cette nuit-là… pour Kara Selim…