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NUIT D’AMOUR ! Ô NUIT D’AMOUR !

quelques coups dans le dos. Ces coups sont les derniers adieux que les invités font à l’homme qui se marie. C’est une fort ancienne coutume chez les Turcs.

À la porte du harem, Kara Selim fut reçu par un eunuque qui, une torche à la main, le conduisit à la chambre nuptiale.

Une fois là, le fiancé n’en avait pas encore fini avec les cérémonies et les formalités imposées par l’usage. Il vit sa fiancée qui, couverte de son voile rose, l’attendait au bout du divan. Kara Selim la regarda comme si vraiment il ne la connaissait pas encore et qu’il eût hâte de dévoiler ce visage.

Il demanda, ainsi qu’il est ordonné, à s’approcher d’elle. Mais voilà que, pour augmenter les ennuis de Tantale, la yen-khieh-kadine apparut et étendit devant le fiancé un tapis brodé d’or destiné à la prière.

Le fiancé, obéissant à cette invitation, récita donc une prière qui fut très courte. Alors la maîtresse des cérémonies s’esquiva et laissa les nouveaux époux tout seuls.

La porte refermée, Kara Selim s’approcha d’Ivana.

Il n’est point dans la coutume que le fiancé lève le voile de la fiancée sans beaucoup de cérémonies et de raffinements ; c’est le moment où il peut et doit montrer sa bonne éducation. Les mœurs orientales ne tolèrent pas qu’un mari se rende coupable de grossièreté. Ce n’est donc, généralement, qu’après mainte prière et mainte sollicitation que le fiancé parvient à vaincre la modestie de sa fiancée et qu’il obtient pour la première fois d’admirer ses traits.

Après avoir répété trois fois de suite sa demande, le fiancé lève le voile de l’épouse et s’empresse de lui témoigner sa reconnaissance de la faveur qu’il a reçue, en lui attachant une épingle de diamants dans les cheveux. L’usage rend ce présent obligatoire, car le mari doit payer le bonheur de voir le visage de sa fiancée : yuz-gurumluk est le nom que les Turcs donnent au présent qu’une jeune fille exige pour montrer son visage.