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LE CHÂTEAU NOIR

Messieurs, nous sommes sauvés !… Cette fois, il n’y a pas de doute. C’est la tête de l’armée qui débouche, là-bas, dans le défilé, et qui descend au pays de Gaulow !..

— De la cavalerie ? demanda Rouletabille.

— Non, les Bulgares ont très peu de cavalerie. C’est de l’artillerie, messieurs !… Oui, oui… je vois les canons ! »

Rouletabille arracha les jumelles des mains de Vladimir.

« Montre-moi ça !… »

Il regarda… Il regarda !…

Les autres étaient autour de lui et leur émotion était si intense qu’ils ne trouvaient plus un mot à dire… mais quand Rouletabille eut fini de regarder, ils osaient à peine l’interroger, tant ils virent un visage décomposé…

« Eh bien ?… fit La Candeur dans un soupir. Ça n’est pas ça ?

— Non ! ça n’est pas ça !… ce ne sont pas des canons ! répondit sur un ton de grand découragement le reporter de l’Époque… Vladimir a mal vu… c’est un canon !… Et je ne pense pas que ce canon appartienne à l’artillerie bulgare !…

— Hein ! qu’est-ce qui te fait croire ça ?

— Ce qui me fait croire ça, c’est qu’il n’y a point d’exemple qu’une armée se présente d’abord en pays ennemi avec un canon… un canon « en l’air ». Ce canon, du reste, semble entouré d’une troupe peu orthodoxe… et si vous voulez toute ma pensée, je vous dirai que ce canon appartient aux Pomaks ou aux Turcs, qu’on est allé le chercher à quelque poste avancé et peut-être même jusqu’à Kirk-Kilissé… tout simplement pour mous réduire, pour nous démolir, messieurs… Messieurs, je crois que cette fois nous sommes bien malades !… Nous ne pouvons rien contre le canon !…

— Alors, nous sommes fichus ! pleura La Candeur et il s’affala au fond de l’échauguette.

— Combien nous reste-t-il de cartouches ?

— Trois cents coups environ ! répondit Vladimir.