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LES DERNIÈRES CARTOUCHES

« chat », qui commença de brûler. Voyant cela, Rouletabille, dans un trou de « corbeau », vida le reste de son bidon de pétrole qui alla illico augmenter l’incendie.

Tout d’abord, sous leur toit, les assiégeants ne s’étaient aperçus de rien, mais les flammes les gagnèrent et avec des hurlements de rage ils durent, cette fois encore, s’enfuir en désordre pour ne pas être carbonisés. Ils abandonnèrent leur bête d’apocalypse, qui acheva lentement de se consumer en illuminant la nuit et en faisant, par instants, surgir des ténèbres les hauts murs de la Karakoulé qui paraissait alors un château d’enfer.

Voyant le désastre de leurs adversaires, les assiégés ne manquèrent point de reprendre leurs carabines et d’accompagner leur fuite de coups bien dirigés qui firent encore quelques dizaines de cadavres. La fureur de l’ennemi se traduisit alors, du haut de toutes les courtines, par une décharge générale qui avait le donjon pour point de mire et qui ne réussit qu’à blesser, de nouveau, les pierres.

Les clameurs des assiégeants blessés se mêlaient à ce tumulte, au-dessus duquel plana la joie débordante de Vladimir, qui dansait un entrechat extravagant sur la plate-forme, tandis que les balles sifflaient autour de lui, après avoir frappé vainement le bouclier de pierre que Rouletabille avait fait si habilement édifier.

« Je vous dis, s’écriait Rouletabille, je vous dis que, du moment qu’ils n’ont pas de canon, ils ne viendront pas à bout de nous ! »

Ivana parut sur ces entrefaites.

« Où étiez-vous ? lui demanda le reporter. Nous avons vaincu, cette fois, sans vous !

— J’étais allée donner à manger au prisonnier, répondit-elle tranquillement en jetant un coup d’œil assez vague sur le champ de bataille.

— Quel prisonnier ? demanda le reporter stupéfait.

— Mais Gaulow !… De quel prisonnier voulez-vous qu’il s’agisse ?…