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LE CHÂTEAU NOIR

celle-ci sautât grâce à une autre mine, et la situation des assiégés devenait tout à fait précaire, sinon désespérée. Ils en seraient réduits à se défendre d’étage en étage. Or, la nuit surtout, par un temps de pluie et de ténèbres, il était bien difficile, sinon impossible, d’empêcher l’ennemi de faire tout ce qu’il lui plairait autour du donjon, puisqu’on ne voyait point l’assaillant, et qu’il était interdit à la petite garnison de cribler au hasard les alentours de la poterne d’une pluie de balles, à cause de sa pénurie de munitions.

Après avoir réfléchi un instant à ce nouveau danger, Rouletabille fit redescendre dans la salle des gardes tout ce qui lui restait du combustible transporté la veille sur la plate-forme ; puis toute l’après-midi se passa pour les assiégés à démolir avec les pics des tentes, qui servirent de levier, une partie de l’escalier qui conduisait au premier étage et à creuser le plancher de celui-ci et la voûte, de telle sorte que d’en haut on pût facilement, si c’était nécessaire, fusiller ceux qui se trouveraient en bas.

Quand il y eut, dans l’escalier, une solution de continuité suffisante pour assurer la retraite, on jeta sur ce trou béant deux planches arrachées à une cloison du troisième étage, pour permettre momentanément aux hôtes du donjon de communiquer entre eux du haut en bas de la tour.

Le soir venu, Rouletabille fit allumer, près de la poterne, dans la salle des gardes, un bûcher dont les braises furent entretenues avec soin et dont la lueur passant au-dessous de la poterne qui, comme nous l’avons dit, ne reposait point exactement sur le pavé usé, allait éclairer au dehors les abords de cette poterne et tout au moins la partie du fossé qui touchait à son seuil. Du haut du donjon, Rouletabille se rendit compte par lui-même qu’en glissant le regard entre les trous des « corbeaux », cette lueur lui permettait de surveiller cette partie de défense qui lui tenait tant à cœur.

Le malheur était qu’on n’avait guère de combustible