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LE CHÂTEAU NOIR

a dû vous mettre en appétit, et moi je meurs de faim !…

— Ivana, répondit Rouletabille sur un ton plutôt lugubre, demandez donc à manger à ces messieurs ; moi je n’ai rien à vous offrir…

— Qu’est-ce que ça veut dire ? fit-elle étonnée. Est-ce que vous n’avez pas de provisions ?

— Ces messieurs les ont laissées en route et ont préféré apporter avec eux divers objets de toilette… voilà pourquoi nous n’avons pas de provisions, Ivana ; rien, pas un morceau de pain !… Et voilà pourquoi vous ne déjeunerez pas, ni ne dinerez… ni aujourd’hui, ni demain, ni après-demain, ni après après-demain ! |

— Ça n’est pas gai ! exprima la jeune fille… mais ne nous désolons pas, car je crois qu’avant longtemps notre affaire s’arrangera…

— Comment cela ? demanda Rouletabille.

— J’ai causé avec Gaulow !

— Ah ! ah !

— Et, ma foi, il est devenu fort raisonnable.

— Un nouvel époux n’a rien à refuser à sa jeune femme, pour peu qu’il soit galant, exprima bêtement La Candeur qui pensait faire de l’esprit.

— Vous avez l’esprit d’à-propos, dit Ivana sans sourciller. Justement, mon mari m’a accordé tout ce que je lui ai demandé.

— Que lui avez-vous demandé, Ivana ? questionna Rouletabille, soudain très sombre.

— Ceci, qui est ma foi fort simple et qui, je l’espère, contentera tout le monde, Gaulow nous laisse sortir de la Karakoulé, puis nous permet de traverser son pays : il s’engage à ce qu’il ne nous soit fait aucun mal, moyennant quoi nous lui laissons la vie sauve et nous lui rendons la liberté.

— Il dit ça ! s’écria La Candeur, mais moi je ne m’y fierais pas !… Je suis persuadé qu’aussitôt que nous lui aurons rendu la liberté et que nous serons sortis du donjon, il nous tombera dessus avec tous ses gens !