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était innocente… et que je m’étais trompé… que je m’étais trompé pour elle comme je m’étais trompé pour tout !… du moment que je ne croyais plus à rien de ce que je croyais la veille, pourquoi aurais-je continué à croire à sa culpabilité ?… Mon intelligence… mes preuves ? L’évidence !… Ah ! mon pauvre ami. Écoute, je ne pénétrai point dans cette chambre, mais j’allai traquer, je ne sais dans quel coin, Nanette. Quand elle me vit, elle fut sans doute épouvantée de ma figure, car elle cria. Mais je la courbais déjà sous moi et je lui dis que je connaissais toute son infamie, que c’était elle qui avait tout inventé et que c’était par ses horribles soins que j’avais pu trouver chez toi les objets qui m’étaient apparus comme des preuves de la trahison de Béatrice… Elle ne nia pas ; elle crut que j’étais informé… Oh ! mon père survint et me l’arracha des mains… Je suppliai mon père d’aller implorer Béatrice et j’envoyai Nanette chez toi ! Toi, tu es venu… mais Béatrice ne viendra pas. Elle ne veut pas me revoir… Elle a raison ! Je dois lui faire horreur !… Et l’idée seule que je veux la retenir ici doit lui faire horreur… Oh ! l’avoir tant fait souffrir ! et l’aimer comme je l’aime !


Scène IV

Les mêmes, LE PRÉSIDENT et derrière lui, BÉATRICE

Tous deux arrivent par la porte du fond, à droite.

Le Président. — Jean !… Voici Béatrice !

Jean. — Béatrice !

Le Président. — Avant qu’elle ne parte, j’ai pu obtenir qu’elle vienne te dire un dernier adieu !

Le président va serrer la main de Leperrier.

Béatrice, entrant et apercevant Leperrier. — Monsieur Leperrier !

Étonnée, elle s’arrête.

Jean. — Oui, Béatrice, Leperrier que j’ai fait venir pour lui demander son pardon comme j’implore le tien. (Il se jette à ses genoux.) Ah ! ne me quitte pas dans un moment pareil !

Béatrice. — Je viens vous dire adieu, Jean !

Jean. — Ah ! voilà ce que j’ai fait ! Comment ai-je pu me condamner à vivre si loin de toi… si loin et si près !… Quel martyre !…