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Leperrier. — La mort de l’ancêtre ?

Jean. — Non ! non ! Quelque chose de beaucoup plus terrible ! Les aveux de l’ancêtre !

Leperrier. — Ah !

Jean. — Oui tu avais raison ! Le triple crime a été commis !… Le malheureux !… Avant de mourir… il s’en est glorifié. Non ! tu ne sauras jamais ce qui s’est passé sur le seuil de cette tombe et tout ce que Pétrus, avant de disparaître, a emporté dans l’ombre, avec lui ! Tu connais ma vie ! Je suis devenu un homme à tes côtés, tu sais ce que j’entendais par être un homme et par être un juge ! Tu sais l’orgueil que j’avais de ma maison. Eh bien, quand l’ancêtre a eu parlé il n’y avait plus rien de tout ce que tu as connu. Il n’y avait plus que cette misérable chose qui pleure et qui t’a fait venir pour pleurer !

Leperrier. — Jean !

Jean. — Quelle nuit nous avons passée. Lee aveux du juge d’abord et puis la mort de l’homme ! Il est mort, là-haut, dans sa chambre, tout seul. C’est Nanette qui nous a crié qu’elle venait de le trouver étendu, tout de son long, sur le carreau. Nous courûmes… Il était mort ! On eût dit un géant abattu. Et nous l’avons veillé en silence, toute la nuit. Quelle nuit et quel silence ! Mon père était à genoux et je voyais ses larmes couler comme celles des petits enfants. Sur qui ? Sur qui pleurait-il ? Quant à Marie-Louis, il avait une figure que je ne lui avais jamais vue ! Autant mon père et moi étions brisés, autant il paraissait droit et fort. On eût dit qu’il était illuminé par quelque vision intérieure et surhumaine. Tantôt ses yeux fixaient le mort et semblaient lui parler, tantôt ses yeux se fermaient et il nous semblait que le mort lui répondait… Et puis, je ne sais… je me suis enfui de cette chambre en titubant et en me heurtant aux murs. J’ai rencontré Petit-Pierre qui errait dans les couloirs en criant : « L’ancêtre est mort, il ne me fera plus peur ! » Tout à coup je me suis trouvé devant une porte… une porte ouverte… Béatrice était là, dans sa chambre, au milieu de ses malles, des paquets faits à la hâte !… Assise à une table elle écrivait… elle ne me vit pas… À qui adressait-elle cette lettre dernière ? À son fils ? À moi ? J’ai compris qu’elle s’en allait… que c’était fini… que je ne la reverrais plus… et je vis, alors… je vis qu’elle