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toujours les mêmes cas qui viennent devant nous, presque toujours dans les mêmes conditions, pourquoi ? Comment prévenir le retour de ces faits ? Voilà ce que nous devrions étudier dans les prétoires et, en dehors de la lamentable besogne du tribunal, je voudrais voir les juges, riches de leurs observations sans nombre, se réunir en assemblées, comme des savants honnêtes qui cherchent et qui tâtonnent, assemblées d’où ils indiqueraient à la société les mesures prophylactiques à prendre… le régime à suivre… les milieux à surveiller… les hôpitaux moraux à créer. Est-ce que je sais ?… Mais il faut autre chose !… Non ! ce que nous faisons n’est pas honnête… Non, mon père, je ne suis pas un honnête homme…

Maître Aga. — Vous exagérez, Marie-Louis…

Le Président. — Comme tu te tourmentes, mon pauvre enfant.

Marie-Louis. — Eh ! oui !… je me tourmente… je cherche partout la vérité et elle me fuit.., j’ai confiance en vous, j’ai confiance en Jean… vos vérités se contredisent… Je m’interroge, rien ne me répond… J’interroge… et je reçois trop de réponses… que penser ? que faire ? où vais-je ?

Mme  Lambert. — … Me reconduire… Vous allez me reconduire, Marie-Louis… Cela vous remettra… et vous aussi, Béatrice, venez… Au revoir, mon président… Il fait beau, je ne suis plus fatiguée, nous allons suivre les quais…

Maître Aga. — On s’en va ?

Mme  Lambert. — Oui, mais on ne veut pas de vous ! Vous allez encore taquiner Marie-Louis.

Elle prend le bras de Marie-Louis sous le sien.

Maître Aga. — Je jure… Non, je ne jure rien… je n’ai pas le temps. (Il regarde sa montre.) Il faut que je rentre chez moi. J’attends un dossier.

Mme  Lambert. — Encore quelque bandit.

Maître Aga. — Que non pas, chère madame, que non pas ! Il s’agit d’une très grave affaire civile… Mon Intention, du reste, après m’être fait une renommée nécessaire, en défendant à la barre des assises et de la correctionnelle les pires ennemis de la société, est de me consacrer à la défense des intérêts de ses meilleurs soutiens, de messieurs les grands propriétaires !…

Le Président, à Marie-Louis. — Voyons, ne sois pas triste, mon fils… C’est la bonne crise, ne la