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Le Président. — Jean !… (Il lui montre Petit-Pierre.) Embrasse ton père, Petit-Pierre, et viens te coucher. (À Jean.) Nous reparlerons à loisir de cette affaire, demain matin, Jean.

Petit-Pierre va embrasser son père et rejoint le président près de l’escalier.

Le Président. — Eh bien, tu n’embrasses pas ta mère !

Petit-Pierre va à Béatrice et lui tend froidement son front.

Béatrice, serrant son enfant dans ses bras, lui dit à demi-voix. — Tu ne m’aimes donc plus, Petit-Pierre ?

Petit-Pierre. — Papa m’a dit que vous n’aimiez pas les juges…

Le président et Petit-Pierre sortent par l’escalier.


Scène V

JEAN, BÉATRICE

Béatrice, faisant un pas vers son mari qui se dispose à quitter la pièce. — Jean…

Jean. — Béatrice…

Béatrice. — Petit-Pierre ne m’aime plus !

Jean. — Vous vous l’imaginez.

Béatrice. — Jean, vous me haïssez trop et vous m’avez rendue si malheureuse que je ne vous aime plus ! Et cependant, comme vous me l’avez imposé, comme vous m’y avez condamnée, je suis restée ici.

Jean. — Il y allait de votre honneur et de l’honneur de cette maison.

Béatrice. — Mon honneur ne m’a été cher qu’autant que vous avez bien voulu y croire. Et quant à cette maison, son honneur ne m’occupe que parce qu’il appartient à mon fils. C’est donc pour l’honneur de mon fils, Jean, et aussi pour son amour, la seule chose qui me restait au monde, que j’ai subi votre volonté.

Jean, avec amertume. — C’était d’une bonne mère !

Béatrice. — Vous vous êtes cruellement méfié de la mère…

Jean. — C’est vrai.

Béatrice. — Je n’avais pas besoin de votre aveu, hélas ! pour m’apercevoir de ce que vous faisiez de mon fils.

Jean. — Et moi donc ?