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a été grand maître de la Justice sous le procurateur…

Nanette. — C’était une bien triste époque ; il a fallu tuer beaucoup de monde.

Bernard. — Croyez-vous que notre époque soit une bonne époque ! On n’est même plus tranquille au Palais de justice. Il n’y a pas seulement un mois voilà ce Tiphaine qui vient apporter sa bombe dans notre chambre des requêtes ? Votre président aurait pu être blessé.

Nanette. — Ça, c’est vrai ; heureusement, l’échafaud n’est pas fait pour les chiens…

Bernard. — Tout juste… (Se levant et allant regarder un portrait pendu au mur.) C’est de la vieille peinture, ça, hein, dame Nanette ?

Nanette. — Oh ! c’est un très vieux portrait.

Bernard. — Il n’a pas l’air commode, cet homme-là.

Nanette. — C’est le grand-père de l’ancêtre. Il a été procureur du roi, je ne sais plus duquel… il y a vingt ans j’aurais pu vous dire leur histoire, à tous, mais maintenant, je suis vieille, et je n’ai guère la tête solide.

Bernard. — Brrrt !… C’est triste ici… Ces vieux murs ; tous ces juges morts qui vous regardent, et tous les juges vivants que l’on rencontre ; ça sent plus la justice que le Palais de justice !… ce vieillard qu’on entend marcher dans le plafond… et Mme Jean qui a l’air si malheureux… Je n’ai pas entendu le son de sa voix depuis quatre ans…

Nanette, se levant. — Vous la plaignez !… Voici ces messieurs !…


Scène II

LE PRÉSIDENT, donnant le bras à la belle Mme LAMBERT, ils vont s’asseoir au premier plan, à droite. JEAN, s’entretenant avec LE RÉQUISITEUR GÉNÉRAL, PETIT-PIERRE, portant un gros livre sous le bras, Me PATÉ, donnant le bras à BÉATRICE. Il la conduit à un pouf devant la cheminée et s’assied à côté d’elle dans un fauteuil profond, face au public. Béatrice se lèvera presque tout de suite pour s’occuper du service du café, sitôt que, tout le monde étant entré, le maître d’hôtel aura apporté le plateau. Entrent encore