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LA POUPÉE SANGLANTE

blême, à son déclin, à son dernier rayon sous un ciel du nord au crépuscule anémique, et voici la nuit chaude, brûlante, fabuleuse où flambent tous les feux de l’Orient ; mais plus que les bijoux qui l’étoilent, plus que la ferronnière qui étincelle sur son front dur, éclatent les yeux de cruelle volupté de Dorga.

L’Orient dans une robe de la rue de la Paix, les jambes de la déesse Kali dans des bas de soie et dansant un shimmy que l’on écoute dans un silence oppressé.

Après la dernière danse, quand la salle put respirer, une foudroyante acclamation a attesté la satisfaction des spectateurs qui « en voulaient encore »… Mais la belle danseuse avait disparu, assez méprisante, et ne revint plus…

Les lumières jaillirent sur les visages pâles ou cramoisis, au gré des tempéraments, et j’aperçus le marquis, écarlate, qui sortait d’une loge avec Saïb Khan…

Il daigna me reconnaître :

— Vous avez vu ? me jeta-t-il… hein, vous avez vu ?… Quelle merveille !…

Et, à ma grande stupéfaction, il me prit sous le bras :

— Allons la féliciter !…

Je me laissai entraîner. Nous fûmes bientôt dans sa loge, assiégée, mais qui ne s’ouvrit que pour nous… Cette fois, elle était demi-nue au milieu des fleurs.

Le marquis me présenta :

M. Bénédict Masson, un grand poète !

Je ne protestai pas… J’eusse été incapable de dire un mot. Je la regardais à la dérobée, honteusement et l’air mauvais… un air que je prends souvent avec les femmes pour masquer ma timidité. Quant à elle, elle m’avait jeté un coup d’œil