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LA POUPÉE SANGLANTE

Coulteray, ni leur naissance… d’une façon formelle à ses yeux… car j’ai toutes ses confidences… et le marquis, d’autre part, a mis à ma disposition tous les documents dont il disposait… Voilà où nous en sommes… C’est inimaginable…

— Mais enfin, si elle était saine d’esprit… comment la première idée d’une chose pareille lui est-elle venue ?…

— La première idée… la première idée… Mon Dieu ! mon cher monsieur Bénédict Masson, je ne pourrais pas vous dire… je n’en sais rien, moi !…

Il y avait de l’hésitation dans sa réponse… Sans doute avais-je fait, sans le savoir, allusion à cette autre chose dont elle ne m’avait encore rien dit et qui était au nombre de ces grandes misères dont le marquis ne faisait point part à tout le monde et dont, au surplus, il paraissait fort bien se consoler…

Pendant toute la fin de cette conversation Christine avait eu la tête penchée sur un ouvrage de ciselure assez délicat et semblait très absorbée par le trait que son stylet creusait, avec une aisance singulière, dans la plaque toute préparée… Je me penchai au-dessus d’elle, pour voir.

— C’est pour vous que je travaille, fit-elle de sa voix harmonieuse et calme… Vous incrusterez cette plaque dans votre reliure des Dialogues socratiques…

Alors je reconnus certain profil apollonien, l’œil fendu en amande, le dessin de la bouche, l’ovale parfait du type qui avait peut-être été celui d’Alcibiade ou de quelque autre disciple se promenant sous les ombrages du dieu Académos, mais qui ressemblait « comme deux gouttes d’eau » à Gabriel…