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LA POUPÉE SANGLANTE

Je repris, au bout d’un instant :

— Si je vous entends bien, ce Saïb Khan ne peut la guérir que pour quelques semaines…

Sans me regarder, Christine me répondit :

— Hélas ! Il est étrange même de voir avec quelle régularité de pendule la marquise glisse de la vie à la mort pour remonter de la mort à la vie et redescendre ensuite ! Au bout d’un certain temps, chez elle, l’idée réapparaît, l’idée qui finira par la tuer si on ne l’en guérit pas… Le marquis n’a plus d’espoir qu’en Saïb Khan.

— En dehors de l’idée, pour tout le reste, elle est lucide ?

— Très lucide et même remarquablement intelligente.

— Alors il est inimaginable que l’on ne puisse lui faire toucher du doigt l’absurdité de son idée !… je dis bien toucher du doigt… car enfin, pour tous ces Coulteray, depuis Louis-Jean-Marie Chrysostome jusqu’à Georges-Marie-Vincent, on a bien dressé des actes de naissance et de décès… des actes authentiques ?

— Pas pour tous ! et c’est bien là ce qui fait le malheur du marquis… Il y a deux Coulteray qui sont morts assez mystérieusement à l’étranger… vous savez qu’ils étaient grands coureurs d’aventures… Certains sont nés à l’étranger et il est exact que certains papiers ne sont pas d’une authenticité absolue, mais vous savez qu’aux deux siècles passés, c’était là chose courante, même en France, et que les naissances, les mariages, les morts étaient prouvés, surtout dans les grandes familles, moins par des documents que l’on négligeait d’établir ou que les révolutions avaient pu faire disparaître que par le témoignage des contemporains… La marquise est au courant de cette particularité… On n’a pas pu lui prouver la mort des