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LA POUPÉE SANGLANTE

une seconde, statuette de l’horreur, devant cette statue de la force, et ils disparurent tous deux, tandis que l’on entendait rire Sing-Sing derrière les portes refermées.

Ce que je venais de voir m’avait brisé. Certainement si je n’avais vu Christine si calme, je serais intervenu. Comme je la regardais et qu’elle ne disait rien

— Mais enfin ! m’écriai-je, vous, vous savez ce qu’on va lui faire I Pourquoi cette épouvante ? Quel est ce docteur dont la seule évocation semble épuiser sa vie ?

— Sans ce docteur-là, elle serait déjà morte ! répondit Christine. Vous la verrez dans huit jours, elle ne sera plus reconnaissable ! Aujourd’hui, ce n’est plus qu’une ombre ! Elle est sans forces… sans couleurs ! Vous serez stupéfait de la voir agir à nouveau avec tous les gestes de la vie et toutes les grâces de la jeunesse.

— Qui donc est cet homme qui accomplit un pareil miracle ?

— C’est un médecin hindou qui a une grande réputation en Angleterre et qui vient souvent à Paris, où il a aussi son cabinet, avenue d’Iéna… oh ! il est bien connu… Vous avez dû en entendre parler… le docteur Saïb Khan…

— Oui, je crois… N’a-t-on pas publié dernièrement son portrait dans le Royal Magazine ?…

— Parfaitement, c’est lui !…

— Et qu’est-ce qu’il lui ordonne ?

— Oh ! la chose la plus naturelle du monde… des sérums… des jus de viande…

— Et pour que la marquise prenne un peu de viande, on a besoin de faire venir le docteur Saïb Khan, qu’elle a en si profonde horreur ? Vous m’avouerez, Christine, que tout cela est de plus en plus incompréhensible…