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LA POUPÉE SANGLANTE

VIII

OÙ L’ON REPARLE DE GABRIEL

4 juin. — Si je m’attendais à celle-là !

D’abord, il est bon que l’on sache que « mon aventure » a causé dans le quartier une petite révolution.

Ce n’est pas sans émoi que l’Île-Saint-Louis a appris que Mlle Norbert me rendait de fréquentes visites, et quand on a su que j’accompagnais la fille de l’horloger chez le marquis de Coulteray et que nous passions des heures ensemble, en tête à tête dans sa bibliothèque (indiscrétion du noble vieillard à la casquette galonnée, promu à la garde du grand portail), toutes les boutiques, de la rue Le Regrattier au pont Sully et du quai d’Anjou au quai de Béthune, entrèrent en rumeur. On savait que je ne fréquentais point la messe ; aussi quand on m’aperçut, un dimanche, pénétrant sous les voûtes de Saint-Louis-en-l’Île, sur les talons de la famille Norbert, on en conclut que j’étais un garçon perdu !

Pour tout le monde, l’archiduchesse avec ses grands airs, m’avait « réduit à zéro ! » Elle m’avait pris « sous le charme ». Je n’en mangeais plus, je n’en dormais plus, je n’en parlais plus.

De fait, j’avais deux ou trois fois négligé de répondre aux questions insidieuses de Mme Lan-