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LA POUPÉE SANGLANTE

choses… dont vous ne comprendrez l’importance que plus tard… Christine ne veut pas comprendre, elle !… je suis bien heureuse de vous savoir ici !

Elle glissa, disparut… pauvre petite chose grelottante, par cette belle journée de juin tiède… Par une fenêtre entr’ouverte, le jardin embaumé entrait dans la bibliothèque, comme la vie entre dans un tombeau privé de sa momie… Et ce fut encore de la vie qui entra avec Christine, rayonnante de jeunesse… les joues de pourpre, la bouche en fleur…

Elle me donna ses deux mains :

— Vous ne vous êtes pas trop ennuyé sans moi ?…

Je ne lui répondis pas, qu’eussé-je pu lui dire ? Qu’il n’y avait de vie pour moi que près d’elle ?… Mon cœur tumultueux m’étouffait.

Vit-elle mon trouble ?… Oui, sans doute… Elle n’en fit rien paraître en tout cas…

Elle défit son chapeau d’un geste adorable, de ce geste qui lui était particulier et qui mettait autour de sa tête la couronne lumineuse de son bras rose…

— Allons travailler ! me dit-elle… En bien, vous avez vu la marquise ?

— Oui ! Et le marquis aussi… le marquis ne m’a pas l’air bien compliqué… mais la marquise !…

— Ah ! oh ! cela a déjà commencé ?… Racontez-moi ce qu’elle vous a dit…

Je lui fis une narration complète de l’entrevue…

— Pauvre femme !… soupira-t-elle, elle me vous a pas paru… un peu… un peu folle ?…

— En tout cas, elle est bizarre… Comment se fait-il qu’elle ait toujours froid ?…