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LA POUPÉE SANGLANTE

ne savait au juste de qui il parlait quand il disait ce « comme vous voyez »… du portrait de Marie-Joseph-Gaspard ou de lui-même !…

Et il riait, il riait de tout son cœur et de toute sa bouche aux dents éclatantes, aux canines aiguës… Ah ! c’était un homme de belle humeur, et qui devait boire sec et manger saignant…

— Vous avez remarqué comme nous nous ressemblons tous ?… Ah ! on continue la lignée ! on continue la lignée !… (M’est avis que ce jour-là le marquis avait dû boire, pour faire honneur à sa devise : « Plus que de raison ! » — plus æquo, comme nous disons en latin). En tout cas, celui-là était sans mystère… et ne vous donnait point comme la marquise « des idées de fantôme », pour parler comme les bonnes femmes…

Et il nous planta là, cependant que Sing-Sing courait devant lui, ouvrant les portes, et que nous entendions son rire énorme qui semblait la seule chose réellement vivante dans ce vieil hôtel endormi.

Puis, tout retomba au silence, tout s’effaça à nouveau, et la petite nuée blanche, derrière moi, prononça :

— Ne trouvez-vous pas qu’il est effrayant ?

— Pas le moins du monde, répondis-je en souriant… je trouve que M. le marquis est en bonne santé…

Il le peut ! il le peut ! dit-elle dans un souffle… C’est justement ce que je vous disais : « Il est effrayant de bonne santé ! »

Ce qu’elle me disait, je le comprenais de moins en moins, et l’air de mystère avec lequel elle me disait cela me parut tout à fait puéril. Que pouvait-elle vouloir me faire entendre avec ce : il le peut, il le peut !…