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LA POUPÉE SANGLANTE

Et du doigt elle me désignait les quatre portraits.

— Lequel ? interrogeai-je encore, et de plus en plus stupéfait.

N’importe lequel !… me répliqua-t-elle dans un souffle.

Et, comme vaincue par un grand effort, elle se laissa glisser dans un fauteuil.

C’est là-dessus que la porte s’ouvrit et que le marquis fit son entrée.

Je ne sais s’il vit sa femme. Je crois qu’il ne l’aperçut pas. Elle était placée de telle sorte qu’il pouvait très bien ne pas la voir. En tout cas, elle ne fit aucun mouvement. Elle resta tapie dans son coin, comme une petite bête blanche, peureuse, retenant son souffle…

Dès que je vis de près le marquis, je compris ce qu’elle avait voulu dire avec son « n’importe lequel ». C’était vrai qu’il ressemblait à n’importe lequel de ceux qui étaient alignés sur le mur.

— Ah ! monsieur Bénédict Masson, sans doute !… Oui ! Eh bien, je suis on ne peut plus heureux de vous rencontrer ! Mlle Norbert m’a souvent parlé de vous, et je suis tout à fait votre obligé puisque vous voulez bien me consacrer un peu de votre temps !… Vous verrez que vous aurez de quoi l’occuper ici !…

» Ah ! vous étiez en contemplation devant les Coulteray ! C’est un spectacle qui en vaut bien un autre ! Croyez-vous qu’ils n’ont pas l’air de s’ennuyer, les gaillards ! De fait, ils ont toujours eu une très mauvaise réputation… Je ne leur en veux pas pour cela !… Une belle lignée, n’est-ce pas, monsieur ?… Et toujours fidèle à son roy. Vous connaissez notre devise : « Plus que de raison ! »