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LA POUPÉE SANGLANTE

cularité bizarre que ces différents accoutrements semblaient habiller le même personnage, tant les Coulteray se ressemblaient de père en fils.

Il n’était point jusqu’aux manières, jusqu’au ton, si j’ose dire, qui ne se répétassent ; bref, sous les dentelles et les basques de l’habit Louis XV, sous la cravate à la Garat, l’habit et les guêtres à l’anglaise de l’an IX, sous la redingote à large collet du temps de Charles X, sous l’habit à la française du second empire, on retrouvait le même Coulteray haut en couleur, au nez fort, à la bouche charnue, mais dont le dessin ne manquait point de finesse, aux yeux pleins d’un feu bizarre et troublant, à la mâchoire dure, au front un peu étroit, mais volontaire, souligné de sourcils réunis à leur racine, et, sur tout cela un grand air d’audace un peu insolente qui semblait dire : le monde m’appartient !

La vision que j’avais eue du marquis actuel, au fond d’une voiture rapide, avait été trop fugitive pour que je pusse dire qu’il continuait d’aussi près que les autres la ressemblance avec le trisaïeul. Je prononçai tout haut :

— Ici, manque le portrait de Georges-Marie-Vincent.

Or, j’avais à peine fini d’exprimer ma pensée que, derrière moi, une voix se fit entendre :

— Il y est !

Je me retournai.

La marquise était là, toujours grelottant dans ses fourrures… je m’inclinai.

— Vous ne le voyez pas ? demanda-t-elle.

— Où donc ? fis-je un peu étonné de l’air dont elle me disait cela… car elle paraissait parler comme dans un rêve, et ses yeux étaient immenses…

— Où ? mais là !…