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LA POUPÉE SANGLANTE

pour rire »… Chassez-le en claquant dans les mains, comme pour un petit animal qu’il est… Sauve-toi, Sing-Sing !

Sing-Sing nous quitte et en trois bonds va rejoindre une sorte de niche rembourrée, qui tient de la corbeille et de la guérite où, sous des couvertures, il attend des ordres en méditant ses petites farces.

Christine a poussé une porte, nous traversons plusieurs salons aux incomparables boiseries, aux vieilles dorures, aux meubles garnis de housses laissant passer leurs pieds écaillés… Ah ! glorieux passé ! glorieux et intact passé ! Mais pourquoi, tout à coup surgie, dans le cadre d’une porte au trumeau Louis XV, cette statue du Pendjab, cet hercule indien qui froidement nous salue en nous ouvrant, d’un geste auguste, la porte de la bibliothèque ?

— Celui-ci, dit Christine, c’est Sangor, le premier valet de chambre du marquis, son domestique de confiance. Sangor le fait un peu à la divinité. Il a toujours l’air de sortir d’une conférence avec Bouddha… et il vous apporte un verre d’eau sucrée comme s’il vous faisait présent de tous les trésors de Golconde. Faire bien attention à lui… On le prendrait facilement pour une brute et je le crois très intelligent. On ne sait jamais s’il vous comprend, mais il vous devine ! Avec cela, fort comme une cariatide !

— Mais il n’y a donc que des domestiques indiens, ici ?

— Non, vous avez déjà vu le portier, il est Français. C’est le seul. La domesticité de la marquise est anglaise. Les gens du marquis sont indiens… Vous savez qu’il s’est marié là-bas en Hindoustan…

— Qui, je sais… Mais dites-moi, elle est pro-