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LA POUPÉE SANGLANTE

de clarté est bien redoutable !… Quel est donc son dessein pour que Christine soit coquette avec le monstre ?

Question à laquelle j’essaie de me raccrocher éperdument pour ne point perdre pied à ce nouveau tournant de l’inexplicable aventure ! Et puis j’abandonne ma question, je lâche tout et je me sens tourner au fond du gouffre, heureux affreusement de m’y enfoncer pour elle, sous son regard qui me sourit, qui a besoin de moi — car elle ne serait pas là avec toute sa coquetterie si elle n’avait pas besoin de moi — besoin de moi, dans son crime !…

Qu’elle fasse de moi ce qu’elle voudra !… Je suis prêt à prendre toutes les responsabilités !…

Je ne saurais concevoir que le moindre danger menace cette admirable enfant, dont les longues mains nues jouent entre les pages de Verlaine.

Pour qui, comme moi, a regardé passer pendant plus de deux ans cette méprisante archiduchesse, il faut qu’il se soit produit quelque chose de fabuleux pour que cette grâce minaudière soit venue s’asseoir, en face de moi, devant mon comptoir !…

Ce crime, je le bénis !… et cette horrible odeur qui me faisait râler, cette nuit, sous mon toit… la maudite odeur de l’holocauste qui devait me poursuivre toute la vie… je ne la sens déjà plus… car son parfum à elle est venu !…

Ah ! l’odeur de sa chair vivante et nue sous les linons cerclés de petits points de croix !

La vie est plus forte que la mort !

Va, mon enfant, parle !…

Attends un peu, d’abord je vais envoyer en course l’apprenti qui rôde en reniflant comme un phoque au fond de l’atelier… et puis je vais fermer la porte pour que la rue n’entre pas chez