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LA POUPÉE SANGLANTE

désunir, mais l’absence ne les séparera jamais : ils reçoivent toutes les confidences de compagnie, reconduisant les gens à la porte, et, restés seuls, trament de petits complots qui peuvent conduire les personnages les plus tranquilles au déménagement ou au suicide.

Tout de même, j’essaie de me rassurer ; les propos chez la mercière ne dépassent point la limite ordinaire du commérage. Enfin, je fais une déclaration destinée dans mon esprit à apaiser les inquiétudes de Mme Langlois.

— L’imagination est une belle chose, madame Langlois, elle pare les intelligences les plus ternes et donne à votre conversation, en particulier, une couleur que j’apprécie, car j’ai toujours aimé les contes qui font un peu peur et, à ce point de vue, je suis resté très enfant ; ainsi je ne me lasserai point de vous entendre parler du vieux Norbert, de son neveu et de sa fille et de l’étrange existence qu’ils mènent ; enfin, je ne vous cacherai rien en vous disant que c’est beaucoup à cause de vos histoires, que j’ai pénétré si brusquement dans le jardin défendu et que j’ai gravi avec tant de hâte l’escalier qui conduit à l’atelier mystérieux. La vérité me force à vous dire, madame Langlois, que je n’ai rien trouvé chez les Norbert qui pût justifier l’angoisse avec laquelle vous servez ces braves gens. L’atelier n’a rien que de très banal, j’en ai vu vingt comme celui-là dans ma vie.

— Eh ben alors ! m’interrompit-elle en lançant à Mlle Barescat un coup d’œil sournois, pourquoi en font-ils un pareil mystère qu’ils ne veulent seulement point que j’aille y fiche un coup de balai ?

— Les artistes ont de ces lubies ! fis-je.

— Je vois que les artistes aiment la pous-