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LA POUPÉE SANGLANTE

» On dit que le vieux cherche le mouvement perpétuel ! Qu’est-ce que c’est que ça, « le mouvement perpétuel » ? Je l’ai trouvé, moi, le mouvement perpétuel ! C’est-y point que je ne remue pas tout le temps ? Jamais une minute de repos pour le pauvre monde.

» Mais s’il est toqué, le père Norbert, est-ce que les deux autres ne devraient pas avoir de la raison pour lui ? Ma parole ! le médecin paraît aussi « maboule » dans son petit laboratoire du fond du jardin que le vieux et la demoiselle dans leur atelier ! je le disais encore tout à l’heure à c’te bonne mam’zelle Barescat ; quand il sort de là dedans au matin que j’arrive et qu’il court à son amphithéâtre, c’est lui qui a une figure de macchabée ! À quoi donc qu’il a passé la nuit ?

» Quant à la demoiselle, par exemple, elle a toujours l’air de se promener dans le paradis ! Elle passe auprès de vous comme si on n’était pas plus qu’une puce !

» Tout de même, depuis deux jours, je lui ai vu les yeux rouges.

» Voyez-vous, môssieu Bénédique, c’te maison-là me fait peur ! J’ai eu bien souvent envie de ne plus y retourner… Sans Mlle Barescat, qu’est aussi curieuse que moi, il y a beau temps que je leur aurais tiré ma révérence !… »

C’est dans l’arrière-boutique de Mlle Barescat, la mercière, centre de tous les potins du quartier, que cette conversation a eu lieu ; c’est là que je suis venu trouver, sous un prétexte quelconque, la mère Langlois. Le bavardage de ces deux femmes me paraît redoutable pour les autres !…

Mlle Barescat écoute la mère Langlois en hochant la tête et en caressant son chat… Pour rien au monde, Mlle Barescat ne consentirait à se séparer de son chat : la mort seule peut les