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LA POUPÉE SANGLANTE

de feu ! Me réjouir d’un lâche assassinat ! Ah bah ! moi aussi j’opte pour le principe de Schelling : « Les esprits supérieurs sont au-dessus des lois ! » Suis-je un esprit supérieur ? Peut-être oui ? Peut-être non ? Mais à coup sûr, je suis un maudit supérieur !

Et cela comporte des droits que ne comprennent point les autres créatures… depuis que je suis au monde, Dieu m’a tenté ! Attention ! assez divagué !… assez se vautrer dans le sacrilège… Redescendons sur la terre… Voici la femme de ménage qui vient frapper à la porte de la boutique.

D’ordinaire, à cette heure, — huit heures, — le vieux est déjà derrière ses rideaux, penché sur ses roues carrées et Mme Langlois n’a qu’à pousser la porte. Mais, aujourd’hui, les volets sont encore en place. La mère Langlois — que je connais bien puisqu’elle me sert, comme femme de ménage, moi aussi — est toute désemparée. Elle frappe. Elle frappe de son poing desséché et impatient. Enfin on lui ouvre. C’est le vieux. Elle entre et M. le prosecteur sort toute de suite dans la rue, presque en courant ! Il doit être en retard pour son cours. Je le regarde bien au passage. À part ses sourcils froncés, il me paraît aussi insignifiant que tous les jours.

La porte de la boutique est restée entr’ouverte ; je n’aperçois plus le vieux ! Ah ! entrer là dedans ! Moi qui sais ! moi qui pourrais voir !… car on s’arrangera bien pour que la mère Langlois ne voie rien, elle ! mais, moi !… Et tout à coup, sans plus réfléchir, je saisis mon stock de peaux et je traverse la rue et j’entre dans la maison du crime… Je traverse la boutique, la petite salle à manger qui se trouve derrière cette première pièce et dans laquelle la mère Langlois