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LA POUPÉE SANGLANTE

Et il se livra aux aides du bourreau.

Le couteau tomba. M. de Paris a dit souvent depuis qu’il n’avait jamais présidé à une exécution pareille. D’ordinaire, le condamné, dès qu’il est sur la planche et qu’on lui introduit le cou dans la lunette, semble se resserrer sur lui-même, rentrant la tête dans les épaules… Bénédict Masson, lui, se jeta sur cette planche comme sur un lit de repos longtemps attendu… et sa tête, projetée d’elle-même en avant, semblait déjà chercher le panier où elle allait rouler.

Le cimetière était à deux pas… La fosse était creusée. Il y eut un simulacre d’inhumation, mais la tête fut livrée aussitôt à un aide de la faculté de médecine de Paris, qui disparut immédiatement avec son sanglant trophée… (style des faits divers)…

Le même jour, le défenseur de ce malheureux faisait parvenir à Mlle Christine Norbert le seul papier laissé par son client. Elle put y lire ces vers de la Promenade sentimentale :

Le couchant dardait ses rayons suprêmes
Et le vent berçait les nénuphars blêmes ;
Les grands nénuphars entre les roseaux
Tristement luisaient sur les calmes eaux…
Moi, j’errais tout seul, promenant ma plaie
Au long de l’étang, parmi la saulaie…
Parmi la saulaie où j’errais tout seul
Promenant ma plaie, et l’épais linceul
Des ténèbres vint noyer les suprêmes
Rayons du couchant dans les ondes blêmes…

Sous ces vers, cette ligne : « Pourquoi êtes-vous venue ? »

Et, maintenant que Bénédict Masson est guillotiné, on pourra se demander pourquoi celui qui a rapporté ici cette affreuse aventure l’a qualifiée