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LA POUPÉE SANGLANTE

du pont… Elles avaient été réveillées par des appels : « Adolphine ! Adolphine !… » (c’était le petit nom de la veuve Gérard). Elles s’étaient levées et avaient reconnu la marquise, telle qu’elles l’avaient vue le matin même, dans son cercueil…

Elle était restée quelques instants au milieu de la route, la tête levée vers la chambre d’Adolphine, qui ne pouvait lui répondre puisqu’elle était à l’auberge ; c’était là un renseignement que les deux voisines juraient absolument exact. Quant à l’ « empouse », elle était repartie en poussant un gros soupir.

Les deux voisines avaient passé le reste de la nuit en prière… On comprendra facilement qu’il n’en fallait pas tant pour mettre le pays « sens dessus dessous »…

Quand on sut ce qui était arrivé à Drouine, les plus incrédules s’inclinèrent, sauf trois : le maire, le médecin et le curé.

Le médecin, M. Moricet, expliqua scientifiquement un événement aussi extraordinaire… Ce n’était pas la première fois que l’on se trouvait en face d’une « hallucination collective ». Elle s’expliquait par la légende solidement établie dans ce pays de l’ « empouse ». Les gars de l’auberge devaient être à moitié ivres… Jacques Cotentin, consulté, fut naturellement de l’avis de ces messieurs… Lui, il n’avait rien vu !… rien qu’une tombe à laquelle on n’avait pas touché !…

Cependant, on était en face d’une population soulevée par la superstition et qu’il fallait calmer.

Voici ce qui se disait : « Si le tombeau n’avait pas été provisoire, si la pierre en avait été scellée, cimentée comme il convient, si le cercueil de plomb avait été bien rivé (car c’était un cercueil à rivets pour qu’on pût facilement l’ouvrir lors de