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LA POUPÉE SANGLANTE

Ils trouvèrent la veuve Gérard dans la cour, comme changée en statue, la bouche grande ouverte du cri qu’elle venait de pousser et regardant comme une illuminée devant elle, dans la campagne… Instinctivement, ils suivirent la direction de ce regard de folle et ils virent une forme blanche qui descendait « la prée » enveloppée d’un long voile…

La clarté était si vive, la lumière de la pleine lune si éclatante que l’on pouvait distinguer la guirlande de fleurs qui couronnait la tête du fantôme et tombait avec ses cheveux sur ses épaules.

Ils n’hésitèrent pas. Du premier coup, ils comprirent que c’était elle, elle la nouvelle « empouse » qui venait de s’échapper du tombeau et marchait sur Coulteray.

Ils n’étaient pas six à avoir la berlue !… Ils entraînèrent la veuve Gérard et s’engouffrèrent dans l’auberge… On ferma portes et fenêtres, on avertit les servantes… on se barricada… Tout le monde se réunit dans la même salle… La veuve Gérard se mit à réciter l’Ave Maria. Les servantes lui donnaient la réplique… Les hommes ne disaient rien… Ils étaient très pâles… Ils avaient honte de leur peur…

— Tout de même, prononça Achard l’aubergiste, nous sommes idiots ! ça n’est pas possible !

Mais les autres protestèrent. Ils l’avaient bien vue ! Elle sortait du « meur » (le mur) du château !…

— Sûr ! fit entendre le forgeron, nous sommes victimes d’un alquemiste (alchimiste, jeteur de mauvais sort)… Eh bien ! je ne l’aurais jamais cru !… Des choses pareilles « annui » (aujourd’hui !).

— Qu’est-ce qu’elle vient faire par ici, c’te « drôlière » ?