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LA POUPÉE SANGLANTE

point vu entrer non plus, et tout ceci fait que je dois me demander depuis combien de temps dure cette étrange idylle au fond d’une armoire !

Je me surprends à rire férocement en pensant aux femmes en général et à celle-ci en particulier. Cette divine Christine, dont mon cœur est plein, je lui souhaite quelque bonne catastrophe, pour le soulagement de mon âme et de la conscience universelle ! Je ne sortirai pas d’aujourd’hui !…

Cinq heures. — Ce qui vient de m’arriver est bien la dernière des choses à laquelle je m’attendais ! Elle est venue ! Elle est venue ici ! Mais n’anticipons pas, car tout vaut la peine d’être raconté et je sens que je ne suis pas au bout de mes étonnements !

D’ordinaire, l’après-midi du dimanche, les Norbert, père et fille, et Jacques Cotentin (le fiancé) sortent tous trois pour une petite promenade ; aujourd’hui, le vieux et Jacques sont partis tout seuls ; la fille les a accompagnés jusque sur le seuil, leur a adressé quelques bonnes paroles qu’elle soulignait de son sourire de souveraine, puis elle a refermé la porte de la boutique et moi je n’ai fait qu’un bond jusqu’à mon observatoire, là-haut, sous les toits.

Je suis arrivé à temps pour la voir traverser le petit jardin, et gravir l’escalier extérieur qui conduit à l’atelier, au dernier étage du pavillon du fond ; la porte-fenêtre en était déjà grande ouverte sur le balcon et j’apercevais l’armoire ; elle l’ouvrit sans hésitation et l’homme en sortit.

Elle le prit par la main et lui murmura quelque chose à l’oreille ; sans doute lui apprenait-elle que la maison était délivrée de toute fâcheuse présence et qu’elle leur appartenait pour quelques heures, car il se dirigea immédiatement