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LA POUPÉE SANGLANTE

Anne-Elisabeth !… Belle comme Juliette au tombeau, quand elle fut descendue dans la fraîcheur religieuse du sanctuaire embaumé qui efface tous les tourments et rend à l’enveloppe terrestre sa pureté d’aurore, belle comme Ophélie ornée de sa guirlande de plantes sauvages et les cheveux humides encore de la flore des eaux… et comme elle, échappée enfin à l’outrage d’un insensé auquel elle avait livré un cœur pur avec toutes ses espérances et ses naïfs désirs !… évadée d’un cercle d’horreurs qu’elle n’avait pu comprendre et où sa raison avait succombé avant qu’elle exhalât son dernier soupir !…

« Dors ! dors donc ton dernier sommeil que rien ne viendra plus troubler, je te le jure ! » murmura dans un sanglot et en s’affaissant sur ses genoux défaillants Christine à demi pâmée.

À ce gémissement répond un cri de désespoir, et Georges-Marie-Vincent s’effondre, lui aussi, devant ce cercueil qu’il a peut-être ouvert !…

La cérémonie s’achève, les dernières prières sont dites, la pierre est glissée sur celle qui ne verra plus la douce lumière du jour…

On soulève le marquis qui se laisse emporter comme s’il avait été soudain frappé de paralysie… Il ne recouvre un peu l’usage de ses membres qu’à la fraîcheur du dehors et quand il aperçoit Christine et Jacques qui sortent les derniers de la crypte… Il fait quelques pas vers la jeune fille, lui saisit les mains avec une effusion qui la glace…

— Ah ! merci ! merci d’être venue, vous qui étiez son amie !…

Elle présente Jacques, son fiancé… Il ne leur quitte plus les mains… Ce sont eux qui doivent l’accompagner jusqu’au château…

— Ne me quittez pas !… ne me quittez pas ! Je