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LA POUPÉE SANGLANTE

quise est une toute jeune personne qui me parut assez languissante, mais non dénuée d’intérêt, à cause d’une certaine beauté diaphane propre à quelques Anglaises, mais qui tend de plus en plus à disparaître en cette époque de sports.

À côté de cette héroïne de Walter Scott, le marquis, en dépit de ses cheveux précocement blanchis, faisait figure solide et bien vivante ; dans sa face rose où circule un sang généreux, brille un regard bleu d’acier, étonnamment jeune encore et émouvant pour un homme de cinquante ans et plus. Georges-Marie-Vincent est l’arrière-petit-fils du célèbre marquis de Coulteray qui, sous Louis XV, entre autres fantaisies, se sépara de sa femme, laquelle ne voulait point entendre parler de divorce ni quitter le domicile conjugal, s’en sépara, dis-je, par ce haut mur qui coupe encore maintenant la propriété en deux, laissant à la malheureuse ce petit pavillon où elle s’était réfugiée et où elle mourut, séquestrée volontaire. C’est là que la nuit, quand son père et son fiancé reposent, la vertueuse Christine reçoit son amant.

Celui-ci, dont je continue de surveiller l’apparition sur le seuil qu’il doit forcément franchir pour sortir de sa prison d’amour me fait bien attendre derrière mes rideaux. Et, ma foi, l’heure se passe sans que j’aie vu s’entr’ouvrir la porte de l’horloger. Et l’horloger lui-même revient de la messe avec la fière Christine et l’intrépide fiancé.

Alors, le monsieur va passer encore toute sa journée dans son armoire en attendant la nuit prochaine et les revanches qu’il s’en promet !

Cette idée, dois-je l’avouer, ne contribue point beaucoup à calmer mes esprits, d’autant que je pense à une chose, c’est que si je n’ai point vu sortir le mystérieux hôte de Christine, je ne l’ai