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LA POUPÉE SANGLANTE

ce fut un événement : disons tout de suite que cet événement fut plutôt joyeux.

Georges-Marie-Vincent semblait réaliser en tout le type du gentilhomme campagnard tourangeau, bon vivant, haut en couleur, et faisant volontiers sa société des gais lurons. Avec cela, il n’était pas fier. Il donnait des fêtes champêtres, faisait danser les filles, payait des banquets mémorables à la Grotte aux fées, aux grandes fêtes annuelles.

L’empouse, comme on continuait à l’appeler entre soi, « histoire de rire », avait un gros succès. Tout le monde en raffolait. On disait : « Notre empouse se porte bien ! souhaitons que le diable nous le conserve encore pendant deux ou trois cents ans. »

Puis il partit. Il était retourné à l’étranger. On n’entendit plus parler de lui pendant des années. Quand il revint, il n’avait pas changé. Il était toujours gaillard, avec la même figure, la même bonne humeur, le même « allant ». Les paysans, eux, avaient vieilli.

Il avait ramené des Indes une toute jeune femme, « belle comme le jour », digne de la Grotte aux fées. Il était fort galant avec elle. Ils paraissaient s’adorer.

Il y eut encore des fêtes données en son honneur et aussi à propos de la visite de quelques hauts seigneurs d’outre-Manche qui n’engendraient pas, eux non plus, la mélancolie. Tout ce monde repartit pour Paris en laissant des regrets.

Quand, quelques mois plus tard, Georges-Marie-Vincent revint à Coulteray avec la marquise, il était toujours le même, immuable dans sa façon d’être, de se bien porter, de voir gaiement la vie ; mais déjà on ne reconnaissait plus sa femme.