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LA POUPÉE SANGLANTE

bien à confesse, pour elle !… Mais aujourd’hui je ne les suivrai pas !… Je reste derrière mes rideaux… Assurément je vais voir sortir l’homme de cette nuit ! Je veux savoir qui est son amant ! Après on verra ce qu’on en fera !

Voilà une demi-heure que j’attends qu’il sorte… et toujours rien ! Aujourd’hui dimanche, la devanture de la boutique montre visage de bois. Tous les volets sont mis, même à la porte vitrée. Et cette porte ne s’ouvre pas !… Qu’attend-il ?… La rue est déserte, tout à fait déserte… Et il ne peut sortir que par cette porte… Cette partie de l’immeuble habité par cette étrange famille est ainsi faite qu’elle n’offre pas d’autre issue que celle que je surveille. En vérité, ils vivent enfermés là dedans comme dans une prison, et le jardin intérieur, si tant est que l’on puisse donner ce nom à un quadrilatère planté de trois arbres, m’a produit l’effet d’un préau, entre ses deux hauts murs qui l’étreignent et le défendent du regard. Ce coin de bâtisse et de jardin, habité par l’horloger et sa famille, avait fait partie jadis du fameux hôtel de Coulteray, dont l’entrée principale donne encore quai de Béthune et appartient toujours — événement unique dont tous les anciens hôtels de l’Île-Saint-Louis ne sauraient offrir d’autre exemple — au dernier représentant d’une famille illustre, comme on sait, à bien des titres, au marquis actuel Georges-Marie-Vincent de Coulteray, marié assez récemment, à la suite d’un voyage qu’il fit aux Indes anglaises, à la fille cadette du gouverneur de Delhi, miss Bessie Clavendish.

J’ai aperçu une seule fois, en passant un soir sur le quai, le marquis et la marquise au moment où ils sortaient dans leur magnifique auto, qu’éclairait une lampe électrique intérieure : la mar-