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LA POUPÉE SANGLANTE

Une sourde exclamation courut tout le long de la file indienne.

Deux d’entre les gars descendirent dans l’eau clapotante, éclairée seulement par le fanal sinistre qui brûlait plus fort que jamais au-dessus de la demeure du brigand. Ils tirèrent le corps sur la berge.

— Pour sûr, il y a bien vingt-quatre heures qu’il boit plus qu’à sa soif.

Il y eut un court conciliabule. Ce feu violent, inexplicable, qui sortait en rugissant de la maison maudite, leur faisait peur.

— Ce serait-il qu’il voudrait se brûler… Il a peut-être f… le feu à sa bicoque avant de f… le camp !

Enfin, ils décidèrent d’entourer le chalet et résolurent de s’y précipiter tous à la fois à un signal.

— Le signal, c’est moi qui le donnerai ! souffla l’appariteur…

Et, tout à coup, on entendit un roulement de tambour, puis des cris de sauvages… et ce fut une ruée.

La porte fut enfoncée sans résistance…

Les premiers s’arrêtèrent sur le seuil, comme médusés.

Cependant, sans s’occuper d’eux, Bénédict Masson, à genoux, répandait de l’eau sur le visage de marbre de Christine évanouie… Près de là, dans un panier, un tas informe de débris attendait d’aller rejoindre dans la « cuisinière », d’où s’échappait une épouvantable odeur de graisse brûlée, les autres restes d’Anie qui se consumaient dans une flamme attisée par le pétrole.

Bénédict Masson, tranquillement, soignait l’une de ces dames, pendant qu’il brûlait l’autre !…