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LA POUPÉE SANGLANTE

nant d’horreur à cause de ce cri plus affreux encore que tout ce qu’elle avait vu et entendu depuis qu’elle avait mis le pied sur cette terre maudite.

Sa bouche gémissait encore : « Bénédict ! Bénédict !… » mais comme si elle demandait grâce à son bourreau !…

Et la porte enfin s’ouvrit… et il y eut la vision fulgurante d’un monstre qui emportait une jeune femme au fond de son enfer.

Et puis la forte fut refermée tandis que, tout là-haut, le panache de flamme se redressait avec une fureur nouvelle, tourbillonnante, dévoratrice… semant sur les arbres agenouillés de la saulaie ses cendres et ses scories funèbres… les enveloppant d’une odeur de mort…

Pendant ce temps, le petit Philippe était arrivé au village et y avait répandu l’alarme. Philippe était fils du bourrelier, mais il ne courut point en arrivant à la boutique de son père.

Instinctivement, il se précipita dans l’auberge où il était à peu près sûr, à cette heure, celle de l’apéritif, de rencontrer tout ce qui comptait de force défensive dans le pays : le garde champêtre, le tambour de ville ou appariteur, deux ou trois gars qui faisaient plus ou moins métier de braconniers dans le marécage et qui gardaient toujours leur poudre sèche, tous gens qui faisaient bon ménage, s’entendant comme larrons en foire, et qui depuis longtemps avaient accepté la tutelle dominatrice du père Violette, bon maître du domaine que le Seigneur lui avait départi et y laissant de quoi vivre à ses sujets, pourvu que ceux-ci ne lui marchandassent ni leur admiration ni son autorité ; tous d’accord, du reste, dans la même haine, celle de l’intrus, de ce sauvage, de ce Peau-Rouge qui semblait n’être venu là que