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LA POUPÉE SANGLANTE

— Je te répète ce que je t’ai dit un jour. J’ai vu la figure de cet homme-là une fois ! Je m’en souviendrai toute ma vie. Quand il est arrivé avec son bâton dans la cour et qu’il était mis comme un sauvage, un vrai Peau-Rouge, c’est le cas de le dire, et qu’il te cherchait partout ! Je te répète donc que ce que je souhaite pour toi c’est que celle-là ne disparaisse pas, comme les autres !

— N… de D… ! si c’est lui pourtant qui les fait disparaître !

— Raison de plus !

— À demain, mère Muche. Je viendrai vous dire ce qu’il en est. J’guetterai la petite à Corbillères quand elle viendra aux provisions,

Mais la mère Muche ne revit pas le père Violette le lendemain ni les jours suivants. Elle ne devait plus le revoir jamais !

Enfin, comme l’avait dit le gamin qui conduisait Christine dans les sentiers bourbeux du marécage, quand Mlle Norbert arriva à Corbillères, on n’avait pas revu la petite Anie depuis l’avant-veille.

Et maintenant continuons notre chemin avec Christine vers la demeure de Bénédict Masson qui, dans le soir tombant, mêlait son ombre triste aux reflets funèbres de l’étang aux eaux de plomb.

Le vent soufflait de plus en plus fort, humide et glacé, échevelant les saules pâles et tordus, fantômes frissonnants au-dessus des roseaux courbés qui faisaient entendre leur plainte chantante, hululante, tantôt horriblement sifflante comme si elle avait passé par mille et mille chalumeaux, tantôt douce comme le dernier souffle de la terre et des eaux pour reprendre aussitôt avec une fureur déchaînée.

Il y avait un quart d’heure qu’ils marchaient,