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LA POUPÉE SANGLANTE

comme un objet de haine qu’il eût voulu réduire en miettes !… et il était venu s’enfouir ici !

Où ? Dans quel coin ?

Qui la conduirait chez lui ?

La nuit venait. Ce soir-là, elle ne se sentait pas très brave.

Vraiment, ce pays l’impressionnait, lui mettait déjà sur les épaules comme un suaire humide et glacé.

Elle pensa à retourner à Paris par le premier train ; elle reviendrait le lendemain au grand jour, avec Jacques…

Mais voilà que la triste, angoissante, désespérée figure de la marquise lui apparut dans l’agonie du jour et lui montra son agonie, à elle, au fond du château de Coulteray. La pauvre femme, une fois de plus, l’aurait-elle appelée vainement ? Christine n’arriverait-elle que lorsqu’il serait trop tard ? La dernière phrase de la dernière lettre lui passa devant les yeux : « Et maintenant accourez ! car il va me tuer si je ne meurs pas assez vite !… »

Un gamin, sorti de l’unique auberge, examinait sournoisement cette belle dame qui semblait ne savoir où se diriger. Elle lui demanda :

— Sais-tu où demeure M. Bénédict Masson ?

— Le Peau-Rouge ? fit-il. Bien sûr que je le sais… c’est encore moi qui lui faisais ses provisions, il y a huit jours… avant Anie !…

— Qui c’est ça, Anie ?

— Eh bien c’est sa dernière !… Il raconte que c’est sa petite-nièce !… C’est elle qui vient faire ses provisions maintenant… Mais voilà deux jours qu’on ne l’a pas vue !… Encore une qu’a dû se sauver comme les autres sans demander son reste !…