Page:Leroux - La Poupée sanglante, 1924.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
LA POUPÉE SANGLANTE

pelle, je glisse dans le tronc mes bouts de lettres… Sing-Sing lui-même, qui suit la traîne de mon manteau comme un mauvais lutin, n’y voit que du feu !… Et Drouine ouvre le tronc et vous fait parvenir ces chiffons…

» À la suite de ma dernière escapade, on m’avait jetée dans la voiture comme un paquet et je ne suis sortie de là que dans la cour du château…

» Coulteray est une vraie prison !… Des fossés, des murs qui datent du moyen âge, la chapelle est dans la cour ainsi que ce qui reste du donjon. On me laisse me promener dans cette cour, qu’ils appellent encore « la baille », comme au temps jadis et qui est à moitié transformée en verger.

» La chapelle a un ossuaire, un petit cimetière qui l’entoure avec des parterres de fleurs.

» En cette saison, toutes ces pierres qui appartiennent au passé et à la mort n’ont rien de particulièrement lugubre, sous la parure printanière qui les masque. La verdure triomphe partout, mange les murs, bouche toutes les plaies. La vie déborde de toutes parts pendant qu’elle me fuit.

» De ma fenêtre, située au premier étage, j’aperçois par une brèche un paysage enchanté qui se mire aux eaux calmes de la rivière qui se jette, là-bas, dans la Loire. Et moi, je me meurs !

» Je suis venue ici pour mourir ! Je sens, je sais qu’on ne quittera ces lieux que lorsque je serai morte !

» On ne m’y a amenée que pour aspirer en paix mon dernier souffle !

» Jamais le marquis n’a été aussi doux, aussi aimable, aussi plein de petits soins ! Il s’est fait mon valet ! Il veut être seul à me servir ! Jamais il ne m’a dit d’aussi douces choses ! Il me jure