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LA POUPÉE SANGLANTE

de branche en branche, il sautait sur le bord d’une fenêtre entr’ouverte au premier étage et disparaissait dans le bâtiment.

» En une seconde, je fus debout !… j’ouvris la fenêtre !… Depuis bien longtemps, je ne m’étais sentie aussi forte !… Je ne pesais pas plus qu’une plume… Mes jambes allaient me porter comme le vent… Je me laissai glisser dans le jardin… et déjà je m’élançais… Tout à coup, je poussai un cri terrible ! J’avais senti la morsure !… »

Troisième lettre. — « Ma chère Christine, je vous écris quand je peux, comme je peux… le plus souvent la nuit, à la lueur de ma veilleuse… au moindre bruit je cache mon chiffon. Je sens qu’il faut que je vous écrive, pour vous convaincre, je veux que vous veniez ! Montrez mes lettres à Bénédict Masson. J’y compte bien. Je compte sur vous deux. Je vous le répète, je ne cesserai de vous le répéter… Et si vous arrivez trop tard, eh bien, mes lettres serviront peut-être à en sauver d’autres !… car il n’est point possible que la vérité ne se découvre pas un jour… il n’est pas possible que le monstre qui mord à distance continue à se promener pendant des siècles encore, au milieu de ses victimes qui peuvent croire quelquefois qu’elles se sont piquées à un rosier et qui en meurent !…

» Ma chère Christine, je reprends mon récit au point où je l’ai laissé la nuit dernière… Je me sentis donc mordue par le monstre, par ce monstre qui était quelque part derrière moi !

» Ah ! l’horrible sensation !… je la connaissais !… Au moment où je m’y attends le moins… toujours au moment où je m’y attends le moins, je sens sa dent aiguë qui me pénètre la veine et qui se retire après y avoir laissé son venin !…