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LA POUPÉE SANGLANTE

Le père Violette se rassit sur son banc, affectant une tranquillité méprisante.

— Moi, je n’ai rien à vous dire ! déclara-t-il.

La mère Muche était loin d’être à son aise… Elle avait un dîner à préparer pour des gens des « Deux Colombes » qui arrivaient, le soir même, à la villa, où rien n’était prêt pour les recevoir et elle eût voulu voir les deux hommes « aux cinq cents diables »… Enfin, comme à tant d’autres, Bénédict lui faisait peur.

— Allez vous expliquer sous la tonnelle ! leur suggéra-t-elle.

Mais le père Violette ne bronchait pas. Il redemanda-même un piot.

— Écoutez, père Violette !… fit Bénédict Masson, si vous voulez qu’on trinque ensemble, il ne tiendra qu’à vous !… mais il faut qu’on s’explique une fois pour toutes. Le pays est assez grand pour nous deux. Nous ne pouvons pas continuer à vivre comme ça, en nous gênant !

— Je vous gêne donc ? releva l’autre.

Bénédict Masson s’assit sur un escabeau et, la tête basse, sombre et taciturne, cessant de le regarder, il répondit :

— Oui !

— Faudrait-il que je disparaisse, moi aussi ?… émit hardiment le garde.

Mais il se tut, car il n’avait pas achevé sa phrase que l’autre avait relevé la tête et le brûlait de son regard de feu. Puis cette flamme finit par s’éteindre… la tête retomba sur la poitrine et Bénédict reprit d’une voix sourde :

— Je sais ce que vous racontez partout ! Faut vous taire, père Violette ! Moi, j’en ai assez !… Eh bien oui, elles sont parties !… je ne peux pas garder une ouvrière !… je ne peux garder personne auprès de moi… je fais peur à tout le