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LA POUPÉE SANGLANTE

ner, il avait dit : « Voilà un garçon qui a tout du crime ! »

Cela, une fois admis, on comprend facilement l’impression produite sur l’esprit du père Violette, par cette bizarre disparition des femmes qui s’étaient succédé si étrangement chez notre relieur…

Il y avait déjà plus d’une semaine que Bénédict Masson était revenu s’installer à Corbillères, où il avait repris ses habitudes de trappeur mélancolique, quand le père Violette, certain soir, pénétra dans la cuisine de « l’Arbre Vert », de l’autre côté du coteau, sur le versant, d’où l’on découvrait un pays qui n’avait plus rien à faire avec la plaine aquatique de Corbillères, et où apparaissait, entre les boqueteaux verdoyants, de-ci de-là, le vaste mur d’enceinte qui entourait le parc des « Deux-Colombes », la propriété que le marquis de Coulteray avait achetée pour sa maîtresse Dorga, un don royal…

L’auberge était en lisière de forêt, regardant le soleil se coucher au bout de la plaine découverte, abritée du nord par un hêtre magnifique (l’arbre vert) ; un porche, une cour, une écurie, un hangar qui servait au besoin de garage ; un enclos palissadé, soigneusement cultivé de légumes, de pommes de terre ; quelques arbres fruitiers ; au-dessus de la porte, la vigne pendait en grappes encore vertes : un cep nerveux festonnait en l’ombrageant l’espèce de tonnelle qui entoure le vieux puits. Une bonne hôtesse, la mère Muche, tout en largeur et toujours de bonne humeur depuis qu’un heureux trépas l’a débarrassée de son gredin d’époux, qui passait son temps à boire son fonds avec son revenu, et qui en est mort…

Le père Violette est toujours bien reçu là dedans ; c’est le pourvoyeur occulte de certains