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LA POUPÉE SANGLANTE

jamais vu se dérouler ma chevelure, car je ne suis ni excentrique, ni coquette, et si je viens ici plus souvent que de coutume, c’est que le marquis n’y est plus !

Là-dessus, elle rentra dans la bibliothèque et moi je retombai, assommé, sur mon banc.

Ce n’est que quelques instants plus tard que je me relevai vacillant et prêt aux injures. Mais je retrouvai Christine dans notre petit atelier. Elle pleurait…

Oubliant déjà ma fureur, je m’apprêtais à prononcer quelques bonnes paroles où, naturellement, je n’aurais point manqué de me donner tous les torts, quand je m’aperçus que les larmes de Christine coulaient sur l’image burinée (à laquelle elle avait travaillé avec une assiduité qui déjà m’avait fait tant souffrir) du beau Gabriel. Aussitôt, je sentis en moi un fleuve d’amertume d’où je laissai tomber quelques gouttes :

— Certes ! fis-je… si j’étais aussi beau que celui-là !…

J’avais cru l’embarrasser ; quelle erreur ! Elle levait sur moi des yeux brillants d’une indéniable sympathie et elle me dit, sans gêne :

— Oh ! oui !… si vous aviez été aussi beau que lui !…

C’était à pouffer de rire, si je n’avais été aussi amoureux et si j’avais pu oublier une seconde que j’étais la première victime de cette situation ridicule.

Le plus inouï, qui commença de m’ouvrir d’étranges horizons, fut que Christine tenta immédiatement de prendre cette place (de première victime) pour elle !…

— Oh ! mon ami, mon cher grand ami !… gémit-elle, je suis bien malheureuse !…

— Eh bien, et moi, m’écriai-je… croyez-vous