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LA POUPÉE SANGLANTE

l’air à la fenêtre du boudoir et que vous veniez de vous piquer le bras aux épines du rosier qui monte contre le mur… et que c’est alors que vous avez poussé ce grand cri…

Les paupières se relevèrent pour laisser passer une petite flamme qui, presque aussitôt, s’éteignit entre les cils rapprochés.

— Je ne me suis point piquée au rosier, on ne crie point à la mort quand on se pique à un rosier… j’ai crié quand il m’a mordue !…

— Il était avec vous dans le boudoir ?

— Mais non !…

— Alors il était dans le jardin ?

— Mais non !… je ne sais pas où il était !…

— Comment ! il n’était pas avec vous et il vous a mordue ?

— Certes !… Il mord comme il veut ! quand il veut ! C’est en vain que je m’entoure de fourrures !

— Mais, enfin, il ne mord pas à distance ?

— Si !…

Il n’y avait plus rien à dire… L’affaire était jugée…

Nous étions là tous les trois, accablés sous des idées différentes, quand Sangor parut.

Il emporta dans ses bras puissants la malheureuse dont la tête roula sur son épaule, sa tête que je voyais déjà détachée du tronc, dans un rêve d’horreur et de folie…

Du reste, tout ne m’apparaît plus que sous ces affreuses couleurs… Et il n’est pas jusqu’au regard de Christine que je ne trouve un peu trouble, quand, restés seuls, je lui demande encore :

« Eh bien !… que dites-vous de tout cela ?… »

Chose singulière, c’est la première fois que je ne lui entends pas dire en parlant de la marquise : « Elle est folle ! »